dimanche 7 octobre 2012

"Qui m`aime me suive!"

Narcisse  
Alors qu`une pile de notes de cours me narguait du coin du bureau et qu`une page vierge de Word s`exposait impudiquement  à mon regard vaseux,  des bruits mi- humains, mi- animaliers réveillèrent  l`âme fruste et moribonde qui m`habite. Horriblement, je fus presque soulagée d`être tarabustée alors que je sombrais dans une autre de mes errances avilissantes.  Les voix se distinguèrent de ce qui me semblait être un fracas de vaisselle, mais ils me paraissaient toujours aussi animaliers qu`humains, et je me dis, à mon plus grand déplaisir, que ça ne pouvait être que le fruit d`une dispute. Non que j`eu espérée une hécatombe ou une apocalypse, mais il aurait sans doute fallu s`en rapprocher pour me détourner de mon éternel amant : l`ennui.   Toutefois, mes oreilles indiscrètes ne purent s`empêcher de capter des bribes de conversation afin de combler la curiosité de mon esprit maladif; ce qui n`eut pour seul résultat que de me décevoir un peu plus. En effet, quoi de plus banal qu`un différend entre « amoureux » dont la cause découle d`un retard d`une vingtaine de minutes.  Je fus quand même irritée; pourquoi les filles doivent toujours ramener des connards impénitents qui leur servent de baguette extatique dans les résidences. Résidences qu`elles partagent avec d`autres locataires qui n`ont, peut-être aucune envie d`être exposées à leur débauche soit dit en passant. Ainsi, pendant que je tentais d`évacuer l`idée d`aller les châtrer tous les deux, la fille s`écria tout à coup d`une voix de hyène (j`avais enfin trouvé la source de la voix animalière) : « Je fais le dîner là, et ce n`est pas pour toi alors dégage! ». Un sourd rugissement moribond sort de ma poitrine et mon rire fait échos aux tic-tac tyranniques de l`horloge. Ce qui eut le don de provoquer un bref silence de l`autre côté. J`aurais aimé voir leur tête. N`appréciant surement pas que l`attention se détourne d`elle ne serait-ce qu`une fraction de seconde; elle jette deux ou trois assiettes contre le mur, alors que le verre vole en éclat dans la cuisine commune (qui aurait cru qu'acheter de la vaisselle en plastique me serait un avantage outre financier), le mec reste planté là ne sachant pas quoi dire ou faire. Il observe la scène comme s`il n`en faisait pas parti ou comme s`il ne savait comment poursuivre l`acte. Mal à l`aise et ne recevant aucune réplique, un autre silence interminable se fait. Il faut alors qu`elle crie hystériquement des mièvreries incompréhensibles pendant ce qui semble être une décennie avant qu`il décide de faire quelque chose, qui, on pourrait croire, au vu de la tournure drastique des choses serait franchement utile. Effectivement, celui-ci se déplace apathiquement vers la sortie et crache d`un ton hargneux : « Nous deux; c`est fini. » Salutaire et concis; si tu ne sais que faire d`une bombe il faut, bien entendu, la balancer au voisin et se barrer.  Mais à mon avis, la situation lui ayant rappelant vaguement son complexe d`œdipe antérieur, il n`a pas dû apprécier le fait d`avoir été privé de dîner, aussi la rupture était tout à fait légitime.
Mise en situation assez pénible, mais cet incident a quand même eu l`effet estompé; il m`a fait réfléchir, une fois de plus, sur les chimères de l`Amour. Non que j`ai raison de fustiger elle ou lui avec le peu d`expérience que j`ai en la matière, cependant, il me semble qu`instinctivement je ne ressens pas leur sentiment d`amour vis-à-vis des actes qu`ils ont posés. Seulement leurs besoins d`être vu ou entendu par quiconque en réalité.  Et c`est, du moins, ce que je peux sans cesse observer chez les couples d`aujourd’hui; le véritable désir des gens, c`est la volonté d`exister aux yeux du partenaire. Bien que cette volonté soit commune aux humains, je ne pense pas que l`Amour réside dans ce genre de nécessité. Toutefois, si l`on devait parler d`existence et d`Amour, il s`exprimerait ainsi, selon moi; la véritable affection nous conduit à exister à travers la personne aimé,on ne penserait donc que pour et par elle, nos actes dépendraient de ses humeurs et de ses besoins, nos émotions et sentiments seraient les dérivés des siens etc. Aimer c`est donc non le besoin d`exister pour l`autre, mais d`être à travers l`autre. Je suis tombée une fois sur une formulation de Montaigne, alors qu`on lui demandait pourquoi il a tant aimé La Boétie, il répond : « parce que c`était lui, parce que c`était moi. » 

jeudi 20 septembre 2012

Bougies et épitaphes

Ma vie est une limace qui s`évertue à glisser vélocement sur la ligne du temps. De ce fait, en deux interminables décennies, j`ai eu l`illusion d`étudier en grande partie la sagacité de Socrate, de sentir la décrépitude d`Augustin, de me complaire dans la mélancolie d`Hugo ainsi que dans la solitude de Kafka et, finalement,  de vivre la névrose vénéneuse freudienne. Alors quand vient le temps de souffler une nouvelle bougie, me vient l`envie de rissoler tout ce qui se trouve devant moi. Humains y compris. Vésanie qui ne sera non dû au complexe de la vieillesse, ou encore au vœu, vain en soi, de la jeunesse éternelle mais froncièrement provoquée par ces doux mots effrontés: je suis. C`est là tout le carnage du monde.
C`est donc loin de la dépravation hédoniste ou de la débauche épicurienne que je « célébrais », mardi dernier, ma majorité américaine tandis que ceux-ci  exprimaient une énième minute d`ignorance. Euh, je voulais dire qu`ils observaient une minute de silence, afin de se remémorer les disparus de l`effroyable attentat d`il y`a onze ans.
Et les lamentations des morts se joignirent à la fatalité de ma naissance.

dimanche 22 juillet 2012

Extérioriser pour mieux vivre?


Hoppla wir leben,  Berlin, 1927

Quand j`étais encore qu`une adolescente ordinaire, j`éprouvais une grande honte à engourdir mes pensées accablantes en collant mon front contre une surface glacée, alors que mes camarades, sans gêne, usaient de « produits » illicites ou de liqueurs enivrantes pour faire passer leurs frustrations du moment.  Jusqu`à un certain âge,  je ne les avais jamais enviés, puisque je me disais qu`au lieu de fuir la réalité comme eux, moi, je la vivais à fond. Seulement voilà;  actuellement, ces gens-là ont l`air de plutôt bien se débrouiller  au quotidien, alors que je n`ai pas encore fini ma propre déchéance. Je les observe dans leur apothéose génialissime et je me complais dans mon autodestruction houleuse.
Si, la glace pouvait encore être efficace sur les débris que projette mon esprit, je ne crois pas que j`aurais à me plaindre. Mais il me vient une question fondamentale; pourquoi ces salauds prétentieux qui passaient la soirée à se défoncer le crâne et griller le peu de cellules nerveuses qu`ils avaient s`en  sortent aussi bien à l`aide de ces moyens dégradent alors que la naïve, ou stupide, fille saine que j`étais, s`est détériorée au fil des années tandis qu`on avait approuvé son comportement « exemplaire »?

L`adolescence, c`est l`accablement de l`âme; elle se rend compte qu`elle a des choix à faire et qu`elle est en mesure de penser par elle-même sans qu`elle soit, nécessairement, obligée d`être guidée par un « autre ». Pascal disait que la plus grande maladie de l`Homme c`est cette « curiosité inquiète des choses qu`il ne peut savoir ». Or, combien se souvienne de toutes les questions inextinguibles qu`on peut se poser à l`adolescence? C`est innombrable. Enfin, sauf si on a la chance d`être idiot. Ainsi, les plus idiots sont les plus heureux. Quoi qu`il en soit, les frustrations, les peines et la souffrance viennent principalement des lacunes au peu de réponses qu`on récoltait ici et là. Seulement voilà, il y`a ceux qui comblent ce vide ontologique par les jeux, l`alcool, le sexe, la drogue… Maintenant, je vois cette débauche un peu comme une extériorisation des émotions et non seulement une tentative d`oubli partiel des problèmes comme je le croyais autrefois. Alors que celui qui rumine lucidement dans son coin tout au long de la journée et de la nuit, comme il ne sait pas trop quoi faire de sa douleur ou de ses spoliations, finit par intérioriser son mal-être. Après quoi,  il en fera de même avec toutes les calomnies et les irritations qu`il rencontrera tout au long de son parcours. Néanmoins, ce mal existentiel qu`il porte depuis trop longtemps, le gruge de l`intérieur et le conduit à sa propre hécatombe. Sans compter que cela lui sera très saumâtre et peut-être même impossible, d`apprendre à révéler ses émotions, quand il a porté, pudiquement, un fardeau dont il ne pourra pas se détacher aussi aisément.

Je ne sous-entends pas qu`il faut laisser « sex, drugs and rock`n`roll » aux adolescents pour qu`ils puissent suivre un développement favorable à leur existence future. Toutefois, si on pouvait arrêter de tancer les jeunes à chaque fois qu`ils élèvent la voix ou claquent des portes et laisser libre court à leurs exacerbations ou leurs chagrins- je ne crois pas que les oreilles puissent s`écorcher aussi facilement ou que des maisons s`abattent pour quelques claquements dans les murs. 






dimanche 17 juin 2012

Chaises vides



Il arrive qu`une de ces pécores, soigneusement baignée dans une normalité horripilante, daigne interrompre son caquètement, épiloguant une vie banalement convoitée, et m`adresse un regard, innocemment, idiot comme pour confirmer que son babillage m`est adressé ou pour s`assurer que je prête attention à ses cuistreries. Comme je ne peux m`empêcher de me demander laquelle des deux situations est la pire, elle surprend mon souffle subtile et s`ébaudit en me lançant, fièrement, son meilleur trait de la journée : « Ah! Femme qui soupir n`a pas ce qu`elle désire. » Une colère, qui me semblait fruste il y a encore quelques instants, jaillit des tréfonds de mon âme et je me vois nettement attraper la médiocrité ambulante par sa chevelure étincelante et l`envoyer valser contre le premier mur venu. J`expliquerais alors à ce corps disloqué, que c`est parce que j`ahane à exister au-delà de mon acte de naissance ou de mes impôts qu`il me vient, malgré moi, des soupirs décrépis et qu`il m`est, ainsi, pénible de supporter les forfanteries qu`elle débite, sans encourager mon esprit dans ses élucubrations précoces. Et puis quitte à insérer des dictons médiocres dans des conversations qui en deviennent, fortuitement, vénéneuses autant bien les rapporter.


Ce n`est pas que je crains de passer pour un butor ou que je suis de nature veule, que je m`abstiens de tous ces actes irrévérencieux ou nobles-c`est selon- mais peut-être est-ce parce que les choses qu`il me tarde d`exprimer me paraissent souvent inextricables ou même tarabiscotées. D`autres vous dirons qu`il faudrait que j`en porte le blâme puisqu`on me dit taciturne et moi, sans accuser leur indolence ou leur esprit rétif, je suis convaincue que la compréhension de l`Autre n`est pas une question de personnalité mais de vélocité et de sagacité.

Parfois, il me vient même une certaine pudeur, ou alors une honte affectée, de me publier virtuellement, car je sais que comme Le Vieux d’Ionesco, je ne laisse qu`une sorte d`interprète sourd et muet ânonnant des pensées épars que je ne pourrais signer sans un certain pyrrhonisme. Et comme la salle de conférence ne contient que des Chaises vides, je rigole intérieurement et me méprise pour mes discours laconiques et inutiles. Mais accompagnons-nous alors de la devise : « nulla dies sine linea ».  J`écris donc tous les jours par dépit, à défaut d`élaborer des synthèses humaines pertinentes et utiles.

 Souvent, je me mets à observer cet être normal,  et me rends compte que j`envie presque son ignorance, sa logomachie, sa vie nonchalante… « Il faut parfois avoir le courage de faire comme les autres pour n`être comme personne. »

Et pourtant… 
 


vendredi 15 juin 2012

J`ai rencontré la liberté.




C`était la foire commerciale. L`un des événements qui rend fébrile les marchands qui présentent des étalages ornées de diverses sources de convoitise et heureux les clients effarés devant tant de fantaisies à modestes prix. Les magasins qui semblaient déjà déborder d`une gargantuesque marchandise variante, vomissaient sur les rues la camelote bon marché qui attirait les humains, tout genre confondu, aussi bien que l`odeur alléchante des excréments charme les mouches. Ah, c`est que nous avions bien surpassé Au Bonheur des dames!  Si Zola frémissait au vu des désirs futiles de ces dames qui se laissaient tenter par les couleurs de la soie, du coton ou encore de la fourrure, alors il doit se retourner  dans sa tombe à s`en casser les côtes face aux besoins des consommateurs compulsif du XXIème siècle.

C`est donc sous un soleil de plomb que je me laissais entraîner par la marée humaine sur le Boulevard des velléités. Alors que je tentais, en vain, d`ignorer l`odeur âcre de la sueur que dégageaient les gens m`entourant, une bourrasque draconienne vint soulever des mèches rebelles. Je tirais sur mon chemisier et remontais les manches de ma veste  tout en sentant un sentiment de claustrophobie me gagner. L`une d`elles surprit mon agacement, me jeta un regard mi- dégouté, mi- exaspéré :
-Enlève là.
Lorgnant, probablement, le vêtement qui, en me couvrant, exprimait une décence acharnée; elle exprima dans son geste d`américaine tout le désespoir d`une jouvencelle putride.  Je me tournais vers elle, apathiquement, et me mis à observer ses épaules nues pendant qu`elle me frayait un passage dans la foule; si la gente féminine lui lançait des regards méprisants, les hommes s`empressaient de lui céder la rue non sans baver sur son passage.
L`été  se fait abhorrer non plus à cause de la chaleur étouffante, mais plutôt parce que la dépravation est aussi transparente que les t-shirts taille xS. Tous  les tons "couleur  peau" se mêlent alors que les corps se meuvent au rythme saccadé des éclats saisonniers. Les jambes blanches, les bras caramélisés, les mollet mielleux, les ventres bruns et les cuisses de pêche feraient blanchir Tolstoï d`effroi.  

Il devient dur de blâmer ces messieurs qui en perdent la tête… Ils ne savent plus où s`attarder; sur les collections de jeux vidéos et de casquettes ou plutôt sur les nouvelles catins sans pudeur de la saison estivale?



 Je commençais sérieusement à me lasser de ces activités pittoresques et à ressentir le besoin pressant de me retirer de cette foule hormonale entrant en mitose.


C`est en arrivant à la fin de cette foire commerciale, un peu avant la rue Mont-Royal que je l`ai aperçu. Je n`ai eu aucune curiosité à son égard; dès mon premier regard,  je sus. On aurait dit que mon corps s`était ankylosé; qu`aucun de mes membres ne semblaient éprouver le besoin de bouger. Il était pied nu; par ce simple détail, je compris qu`il avait laissé l`humanité conditionnée et pervertie derrière lui. Installé sur un tabouret de bois usé, il tenait une énorme contrebasse tendis son corps en épousait parfaitement les courbes. Son instrument et lui ne faisaient plus qu`un. Ses paupières sans âge étaient clos, mais la musique qui s`échappait des cordes, que ses mains de virtuose maniaient aussi délicatement qu`un nouveau-né, nous disait qu`il voyait ce triste monde; ces rêves auxquelles on s`accroche, ces désirs refoulés, ces frustrations et cette colère qui nous fait pâlir d`angoisse, cette solitude mélancolique et permanente… La bourrasque n`était plus fiévreuse, elle était un magma effervescent et pourtant d`une fraîcheur sans pareil; ses cheveux dénoués flottaient tels des plumes  encadrant un visage serein et apaisé. Alors que tous passaient sans le remarquer, il les observait sans les voir, comme Socrate avait dû regarder la cité. Il jouait, il jouait… librement pour tous nos maux inextinguibles.  Les notes qui me parlaient mais dont je ne reconnus même pas la mélodie,  me portaient ailleurs, alors que tout son être gracieux me rattachait corps et âme à lui; à la réalité.
Rien. Absolument rien en cet instant précis, ne pouvait, pour moi, représenter aussi bien cette chère liberté tant cherchée, que cet homme, sa contrebasse, son tabouret et ses pieds nus.
Et en un instant, aspirée par la vague humaine, je fus de nouveau propulsée dans le courant fatal de la vie.



Ce fût bref, mais un samedi de juin, à Montréal, Boulevard Saint-Laurent; j`ai rencontré la liberté.


...
Je songe alors à ce que Nietzsche disait un jour : les hommes ont peur de la vérité parce qu`ils savent qu`elle est superficielle. Tout comme il refusait l`idée de vérité; l`inclinaison à croire qu`une liberté inconditionnelle n`a de plaisant que dans son idée d`existence, croît en sa logicité.


Fausse pudeur


Je vois constamment cette phrase  matoise  sur les blogs que je parcours distraitement : « Je n`ai rien à dire; je ne veux pas étaler ma vie. » Primo, je me demande alors quel est le but de l`élaboration du le dit site si il n`y a ni contenu théorique constructif ni  partage de velléités ou autre. Secondo, faut-il leur préciser, qu`en général, l`humain, de nature égoïste, ne cesse, même inconsciemment, de rapporter tout à lui-même? Quel hypocrisie de croire que c`est l`innocence ou la grâce que l`on porte en sa pudeur. Qu`il suffise de discuter d`un bon livre, de fredonner une musique ou de rire d`une bonne blague… Tous ces éléments font partis de ce qui nous compose en tant qu`individu; les partager avec autrui c`est proprement nous raconter.  Il faut arrêter de croire à cette présomptueuse pudeur et cesser cette attitude relevant plus de la crainte que de la noblesse  et qui finie par figer les relations humaines déjà étiolées par cet égoïsme inextinguible. Chaque petit fragment, nous constituant, qui est épilogué avec amertume, honte, vanité ou peur n`est perdu que s`il n`est plus perpétué par sa propre mémoire. Qu`un autre ne se souvienne pas de ce que nous avons pu raconter, et par conséquent; de ce qu`on est, ne provoque qu`une de ces vieilles et orgueilleuses blessures qui malgré nous, finissent par cicatriser lentement.

mardi 15 mai 2012

"Docteur, j`ai un problème."

Hôpital du Sacré Coeur, de Montréal

Les hôpitaux, ces grands bâtiments décrépis à l`allure glauque, inspire dans l`ensemble des sentiments angoissants et perturbants si ce n`est terrifiants. Pourtant l`architecture de ces bâtisses est, dans la plupart des cas, franchement admirable et agréable aux yeux caverneux des citoyens veules acclimatés, très souvent, aux bureaux cubiques assortis aux établissements rectilignes qui les superposent adroitement. C`est pourquoi, les murs érodés de l`hôpital animent, astucieusement, une certaine sagacité froide et vieillit qui arrive presque à nous détourner des symptômes cadavériques qui nous conduisent en ces lieux, dits lugubres et repoussants. Cependant, une fois à l`intérieur de la méga-cellule bouillante d`activités biologiques, le charme du prestige extérieur se rompt presque instantanément. L`évocation du choc et du trouble profond de Don Elvire lorsqu`elle découvre l`insidieuse personne qu`elle avait pour mari ne pourrait mieux exprimer la duperie des poutres ténues ornés de gravures romanesques ainsi que des tours anachroniques calquées sur des prestigieux châteaux français. L`une des premières caractéristiques de ces œuvres torturantes, et non la moindre, celle qui fouette toute personne dotée de voies nasales, est cette odeur particulière, pour ne pas dire nauséabonde, qui paraît se dégager par toutes les parcelles de l`hôpital. Un mélange, de peur ou d`effroi, d`efforts, d`anesthésiants et de substances organiques dégradants  nous sont insufflés, stoïquement, de sorte que la gorge et les yeux soient assez irrités. L`avantage? Les gémissements deviennent de faibles râles et la vision trouble empêche nos yeux de capter des images telles les intestins à découvert de cette bonne-femme ou ce monsieur qui recrache ses poumons… Représentations dont l`inconscient ou le psychique se passerait bien mais que nous soumettons nous-même à coup de films/séries comme La poupée Chucky, ou Dr. House. On se surprendrait même à souhaiter voir une véritable boucherie dans un vrai hôpital.

Alors que l`attente dans cette salle, qui sera l`habitacle de nos pensées solitaires pour, disons-le, toute la nuit ou la journée qui suit, débute tout juste, l`envie de détaler au pas de course s`insère tranquillement dans l`esprit à la vue de ce raz de gens souffrants. Ainsi, s`ensuit la première étape : l`enregistrement étant, bien entendu, fait par une dame d`âge mûr à demi-sourde qui crient vos renseignements qui ne sont, dès lors, aucunement personnels :

 -VOUS HABITEZ BIEN AU XXX?
-Heu… Oui.
-VOTRE NUMÉRO DE TÉLÉPHONE C`EST ENCORE XXX-XXXX?
- Oui.
-ET VOUS VOULEZ VOIR UN MÉDECIN?
-Si possible, oui.

-QUOI? UNE CIBLE?
-Non…

-ALORS VOUS VOULEZ SEULEMENT CONSULTER L`INFIRMIÈRE?
-Non mais je veux voir un médecin aussi, si c`est POSSIBLE.
-VOUS NE VOULEZ PAS VOIR L`INFIRMIÈRE? PARLEZ PLUS FORT MA PETITE; JE NE VOUS ENTENDS PAS.
Ah bon?

 -JE VEUX VOIR UN MÉDECIN!
-DOUCEMENT MA PETITE JE NE SUIS PAS SOURDE. IL FAUDRA ATTENDRE, IL Y`A DES GENS AVANT VOUS, VOUS SAVEZ?

Sous les regards réprobateurs des gens-avant-vous-vous-savez, vous choisissez bien sûr le siège du fond, celui qui fait face aux cabinets des médecins, pour être certain de ne pas manquer l`appel de votre nom et ainsi clore l`identité de paranoïa dont on vous a affublé depuis peu. Débute alors la chose la plus naturelle que l`on puisse faire dans une salle d`attente, non non pas l`attente en soi ou le dénombrement des punaises sur le tableau d`affichage; ça c`est après, mais plutôt l`observation et la stigmatisation des congénères qui vous accompagnent lors de ce périple.

 En premier, vous recherchez les plus souffrants; ceux que l`on passera avant vous, de un pour les maudire d`être venus le jour ou vous-même vous êtes moindrement malades et de deux pour déguster la souffrance peinte sur leur visage creux. Cette douleur magnifiquement représentée par des traits tirés vers le bas : un front plissé, formant des vaguelettes, comme s`il voulait glisser jusqu`au menton, des sourcils froncés dessinant une ridule entre l`axe symétrique du visage en but de s`associer vainement, un nez retroussé qui tente de camoufler la pureté du sentiment et finalement des lèvres boudeuses soudées l`une contre l`autre rageusement ou bien remuant silencieusement; mimant des prières oubliées. Vous dévisagez également les autres; ceux que vous espérez laisser derrière vous… Au début, ce n`est qu`une masse de gens indissociés n`ayant en commun pourtant qu`une chose : un besoin d`être soigné. Avant même que vous ne puissiez distinguer les visages à part entière, vous entendez votre nom saccagé par une voix de ténor. Une infirmière à l`allure sévère scrute les patients pour ensuite jeter un coup d`œil au dossier qu`elle tient comme si, par les quelques lignes médicales écrites dedans, elle pouvait deviner le visage de celui auxquelles elles correspondent. Vous vous levez précipitamment, comme si la porte qu`elle vous tient ouverte, une fois qu`elle vous a repéré, risque de se refermer à jamais. Évidemment quand elle vous demande la raison de votre présence aux urgences; vous en avez oubliez vous-même les causes… Après une quinzaine de secondes silencieuses qui vous rappelle vaguement les première minutes de l`oral blanc, les données reviennent peu à peu et bientôt vous inondez l`infirmière de symptômes qui sont pour la plupart amplifiés et même inventés. Après qu`elle vous ait meurtrit le bras à l`aide de son instrument tortionnaire pour, soit disant, « prendre la pression » et qu`elle ait prit la température pour s`assurer que le médecin ne remarque pas son sadisme elle vous renvoit illico attendre ce dernier dans l`étable avec les autres bovins.

 Conscient que la véritable attente commence maintenant, vous resserrez votre sac tentant d`en faire un semblant d`oreiller confortable. Sachant pertinemment que Morphée se risque rarement à pénétrer dans les médiocres hôpitaux publics, vous renoncer donc rapidement au sommeil souhaité. Votre étude sur l`être humain en milieu hospitalier peut donc se poursuivre en toute tranquillité. Au-delà de la masse, des visages commencent à se distinguer. Il y`a ce papy, au teint fantomatique, qui lance des regards perçants à la télévision suspendu au-dessus de lui, comme si le mince filet de dicibles qui s`en échappent venaient écorcher vivement ses tympans, une dame à moitié endormi menton appuyé sur la graisse de son cou à la respiration sifflotante, une mère le regard au loin mélancolique, berçant un ramassis de couverture roulées en boule dans une poussette grinçante, ce qui semblait, au premier abord, être un géant à deux têtes, n`est en fait qu`un couple-représentant ultime des organismes unicellulaires-, une autre mère aux traits angoissés récitant à sa progéniture les symptômes maladifs que celle-ci doit répéter ensuite au médecin… En somme, chaque visage dépeint l`être qu`il porte et vous transmet tout un tas d`éléments qui seront au final bien vaines pour vous, une fois que vous quitterez l`endroit. Inutiles en cet instant même, puisque aucune intention caritative n`habite un malade farouche.

 Quand les visages ne sont plus assez divertissants, c`est les affiches qui finissent par attirer l`attention. Et les affiches des hôpitaux, c`est tout un art.


À suivre...

 

samedi 7 avril 2012

Divaguations nocturnes



Voilà que les démons du passé hantent mon médiocre sommeil. Défaitisme d`un acte jusqu`alors innocent, ce n`est plus un repos; c`est un combat vain. Un vain combat.
 
...

C`est avec moi-même que je discute. Personnalités réfractaires constituant une identité schizophrénique.



À défaut d`être mortelle, j`aurai préféré être une chandelle : si comme elle, nous nous consumons, graduellement, il nous est toutefois impossible de souffler sur la vie comme on le fait de la chaleur d`une bougie. Parce qu`on ne peut pas "rallumer" un esprit. Heureusement
Sans retour possible, le répit ne se trouve alors que dans le néant.  

En attendant...




Je suis.








C`est tout.

18 février 2012

samedi 18 février 2012

Amertume


Source de la photo: peinture de Lazhar

Je ne veux plus goûter  la saveur de ce monde, il a le goût du fromage suranné et de la pourriture frémissante. L`insipidité des spectres ambitieux qui déambulent dans les rues pestilentielles m`empêche de digérer les comportements obséquieux… Il me restera toujours comme un arrière-goût amer.

Et ce nez…comme je voudrais me l`amputer pour éviter de sentir l`odeur nauséabonde que dégage vos valeurs impures. La perfidie de vos identités méphitiques aura même eu la peau de ce pauvre Cyrano. Lavez-vous de l`immonde âpreté que vous portez ne serait-ce que pour ne plus respirer l`âcreté de l`infamie.
 Il me vient l`envie de vous parfumer d`arômes dégageant justice et moralité.

Ma télé étant toujours en mode « mute », je n`ai plus  à écouter les discours autocratiques débités par des politiciens ignares et tyranniques de surcroît. Les éviter n`est pas ma façon de fuir la société pseudo-politique mais c`est un moyen de conserver le peu de lucidité qu`il me reste. Par ailleurs, je ne suis plus en mesure d`écouter vos malheurs futiles. Mes épaules se sont, fatalement, affaissées sous le poids de vos pleurs inutiles; les seules mélancolies auxquelles j`aurais dû compatir sont celles du Condamné  ou d`Abélard. Au final, si j`étais dépourvue d`ouïe, je m`en porterai plutôt bien quoique Schubert et Ferré me manquerait.
 

"Tout m`accablait: pourquoi devais-je

conserver encore un regard,

quand plus rien ne s`offrait à moi,

où mon regard eût pu trouver la moindre joie?" –Sophocle


vendredi 17 février 2012

Fragments d`une âme étiolée





 
Alors que des enfants dorment sur des paillasses fourchues; je déplore la grandeur de mon matelas qui me rappelle chaque matin, par sa froideur, que le rêve d`un mariage moral s`estompe peu à peu. Je n`ai aperçu l`Amour qu`à travers la nature céleste qui fait preuve de bonté en nous offrant des paysages paradisiaques. La grandeur de ce monde ne rend insignifiant que celui qui le regarde d`en bas; aussi j`ai toujours voulu aller dans l`espace dans le seul but d`être plus grande qu`eux. De voir cette petite sphère bleue et de me dire " Il y`a vraiment des êtres minuscules là-dedans qui rêvent de Pouvoirs?". Et l`idée me semblerait si ridicule que j`en rirais. J`espérais ne plus éprouver de crainte envers cette humanité monstrueuse. Seulement les rêves ne sont que des illusions qui mettent un peu de couleur sur des visions en noir et blanc.

Les hommes sentent le besoin de dominer leurs semblables afin d`affirmer une existence qui, au final, n`est que l`ombre de ce qu`ils sont : des fantômes flétris errants parmi leurs propres débris. Solitude dans un environnement néfaste par son aspect despotique… Mes yeux n`exprimant que le vide de mon âme, c`est la Sympathie du ciel ombrageux, gonflé d`amertume, que je reçois en guise de consolation.
La Pitié du marbre ruisselant de larmes déversées par des nuages honteux me fige dans le temps; c`est une histoire qui ne sera pas entendue. Mon prénom  mourra sur les lèvres des fossoyeurs tandis que la terre m`enveloppera de sa cape chaleureuse. 
...
Fraternité d`une nuit dépourvue d`étincelles, l`orage, quant à lui, déchaînera tout mon fiel.
Je serai pluie, vent, marrée; je redeviendrai nature et je pourrai alors accompagner vos émois comme elle le fait si bien pour moi.
 

vendredi 10 février 2012

Nos sens sont trompeurs?


Suite à mon questionnement provoqué par l'article "Existence" j'ai voulu faire l'étude qui suit portant sur une courte synthèse des théories sensitives de cinq grands philosophes.
Aussi, ce n`est qu`une esquisse servant à illustrer différentes positions à propos des sens humains.

La sensation est la perception que l`on a d`une chose résultante de données fournies par un ou plusieurs organes sensoriels.

Platon affirme qu`il est impossible de connaître le monde sensible (visible) lorsque la connaissance dérive de nos sensations. Effectivement, par le monde sensible nous n`avons accès qu`aux ombres et aux images dérivant des objets matériels et physique que ceux-ci projettent. Par ailleurs, nous ne pouvons avoir une connaissance certaine résultante de ces images ou ombres puisqu`ils ne suscitent que la faculté d`imaginer. Par conséquent, cette « connaissance » ne peut pas être fiable car elle résulte de croyances (elle porte sur des choses incertaines donc, elle peut être vraie ou fausse) et d`opinions. Toutefois, il est possible de connaître le monde sensible une fois que l`on est libéré des sens pour connaître les Formes véritables (voir dualité entre monde sensible et monde intelligible chez Platon).

 Contrairement à Platon, il n`y a pas de dualisme entre le monde sensible et le monde intelligible chez Aristote, la connaissance sensible et la connaissance intelligible « portent sur différents aspects des mêmes objets ». Pour lui, il y a une continuité entre les sens (par l`air, le feu et l`eau) et les objets du monde, ce qui fait que la perception est multi- sensorielle. Le sensible a une objectivité dans le monde car il est extérieur à nous. C`est donc nos sens qui peuvent engendrer l`imagination et puisque l`imagination est un élément nécessaire pour activer la faculté de penser, elle est indispensable et ne doit pas être rejetée comme le faisait Platon. Finalement, la théorie de la connaissance d`Aristote démontre que c`est à l`aide de nos perceptions sensorielles que l`on peut connaître et représenter le monde étant donné la hiérarchie (ou la continuité) qui existe entre la connaissance sensible (l`illusion) et la connaissance intelligible (la science).
En outre,  Descartes doute des sens puisque l`illusion de ceux-ci "porte à la fois sur les objets et sur le sujet lui-même". Elle n`est donc pas une source fiable pour la connaissance. Dans les Médiations métaphysiques, Descartes expose son idée par l`exemple du morceau cire : Celui-ci peut avoir l`air dur, froid et solide au premier abord. Or, il suffit de le chauffer pour que toutes ces qualités, observées antérieurement, disparaissent. Même si « cette chose » transformée devant moi a des aspects différents, elle n`en demeure pas moins de la cire. Par ailleurs, on peut conclure que ce n`est pas la perception qui peut expliquer ce qu`est la cire. En ce sens, il serait assez en accord avec Platon puisque lui aussi se méfiait de la perception sensorielle. Toutefois, Descartes croit que la perception produit une idée, certes elle peut être confuse et imparfaite, elle n`en demeure pas moins « un acte d`intellection » ce qui lui donne une direction convergente avec Aristote également.

Kant sépare radicalement la perception et l`entendement; la sensibilité est celle qui fournira les données à analyser (catégories du temps et de l`espace) et l`entendement sera celui qui déterminera si il y`a une vérité ou non. Malgré tout, la sensibilité délimite la raison puisque celle-ci ne peut rien chercher en dehors d`elle.

 Pour Locke, qui est un pur empiriste, les sens sont les sources premières de la connaissance. Il est contre les innéistes et affirme que l`esprit, à la naissance, est « une table rase » avant que toute expérience sensorielle ou réflective soit vécue. Les idées que nous tirerons de nos expériences sont les bases d`une connaissance qu`on acquiert avec le temps. Contrairement aux rationalistes, la sensation est primordiale dans la théorie de la connaissance des empiristes, puisqu`elle est la base des quatre différentes types d`idées (idées simples, idées complexes, idées de relation et idées abstraites) qui forment notre conception du monde.





mercredi 8 février 2012

Existence


C`était un de ces jours où la nature donne l`impression que l`été boudeur rechigne à l`idée de laisser la place à l`automne. Celui-ci, mécontent, soufflait alors ce vent dédaigneux et orgueilleux en but de chasser les derniers effluves de la période estivale. Le soleil méfiant, dardait sur les passants pressés quelques rayons douteux, comme s`il ne craignait d`être trop généreux de sa bonté chaleureuse. Agacés par le souffle sournois du mois de septembre, les arbres délaissaient leur parure colorée sur les trottoirs miteux. Cependant que le soupir impatient de l`automne se prolongeait, les nuages flemmards s`avancèrent ostensiblement au-dessus des montagnes et des ruines pour finalement déverser, stoïquement, des grappes d`eau sur la ville fatiguée. Toutefois, Paris ne semblait pas s`apercevoir des émois de la nature, elle continuait d`étinceler de ses milles éclats. La vanité de ces étincelles se reflétaient fièrement dans les yeux de la jeune journaliste fraichement diplômée que j`étais. L`une des villes les plus merveilleuses du monde, contenait en son enceinte l`histoire de ma propre vie. Paris allait me faire exister; j`étais prête à soulever les rangs, à dépasser l`entendement de la collectivité et à apprendre aux gens le sens de la réalité. Il y`avait des heures que j`étais sur les rivages de la Seine et je ne m`en lassais toujours pas. La pluie ne faisait que renforcer mon enthousiasme; le paysage me semblait quasi-irréel avec  des lumières qui brillaient telles des gouttes d`espoir. Je tentais de remplir mes poumons avec le maximum d`air parisien qu`ils pouvaient contenir.


Pas un souffle ne rentrait; j`avais l`impression que la brise traversait mon corps comme si « l`on » avait omis de me donner une existence matérielle. Ma réaction fût la plus banale qui soit : je tentais de provoquer une douleur physique quelconque. Mais je n`obtins aucune réaction potentielle de mes membres. C`est alors que je me rendis compte, que je ne pouvais m`observer moi-même (le fait de ne pas pouvoir pivoter la tête ne m`aidait pas à confirmer cela...). Une angoisse fondamentale m`étreignit la gorge : où étais passé mon corps? Si je n`avais pas d`existence physique, qu`est-ce qui me prouvait que j`avais une tête (ou une âme pour faire plaisir à nos théologiens).

Et je me sentis vraiment stupide. Mais alors là, c`est le genre de moment où l`envie coriace de vous fracasser le crâne contre une surface dure est si violente que vous vous demandez toujours, à la fin, ce qui a pu vous retenir. Bref, malgré le besoin frustrant de me suicider (il n`était cependant pas envisageable d`y répondre dans le cas où je me trouvais) je constatais une chose primordiale : je pensais. Par ailleurs, il est dit, que le fait même de penser prouve l`existence de l`âme n`est-ce pas? Sans trop s`attarder sur les faits philosophiques (le cogito cartésien n`a sans doute convaincu que l`auteur de la théorie lui-même et ses quelques disciples dévoués- dont moi-) je me rassurais; j`étais «âme »/ « tête pensante ». Et ce n`est plus l`angoisse qui me tenaillait l`esprit mais la tristesse de voir un paysage tant désiré, mis en contexte par une imagination fertile. Je n`ai jamais compris les personnes qui ronchonnent parce qu`on les sort des désirs censurés de l`inconscience. Personnellement, une fois que je prends conscience de l`irréalité des choses que je vois; je sors tout simplement de mon état de sommeil. Que les rues de Paris disparaissent plus rapidement qu`elles n`étaient apparues ne me gêne pas. Ce qui me déçoit c`est la façon humiliante dont j`ai pu me faire leurrer par mon imagination. Tout semblait si réel et imprégnant que j`ai fait confiance à une vision traitresse. En ce sens, je rejoins Descartes lorsqu`il dit : « j`ai quelques fois éprouvé que ses sens étaient trompeurs, et il est de la prudence de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés ».

jeudi 19 janvier 2012

« L`Homme est à l`image de Dieu » ? (première partie)


Source de la photo
« L`Homme est à l`image de Dieu » cette illustration religieuse (ou philosophique) me paraissait aussi paradoxale qu`incohérente  sans toutefois altérer ma curiosité et mon amusement à son égard. Paradoxale, car Dieu est l`incarnation de la perfection tandis que l`homme  se trouve à être la définition propre de la déchéance, et incohérente puisque Dieu détenant, une science qui lui est propre, est en mesure d`avoir une étendue illimitée sans avoir de présence physique, alors que l`Homme, lui, est délimité par des capacités spécifiques qui lui sont propres tout en ayant une existence organique territoriale. 
Par ailleurs, je voyais en cette pythie une annonce, voir une explication, à la croissance et au développement autant psychologique qu`intellectuel d`un enfant. Ne dit-on pas que l`enfant apprend  « par imitation »? C`est un instinct primitif, animal (ne voit-on pas les poussins  d`une poule la suivre  partout) bref, inné et  ne dépendant ni d`une volonté parentale ni d`un caprice enfantin. L`analogie se met en place d`elle-même; pour l`enfant, le parent est un pouvoir suprême et incontestable (quel bambin de deux ans vous parlera de Dieu? Si vous en connaissez un, faites- moi signe; il aurait tant de choses à m`apprendre) et indéniablement, l`enfant l`imite en vue d`être une copie conforme. J`en déduis donc qu`il tente d`être à l`image d`un « être » éminent.  Si cela ne s`arrêtait qu`à l`instinct, je parlerais d`un facétieux mais ironique hasard, néanmoins, c`est une voie que l`enfant adopte même en ayant conscience d`une divinité dont l`autorité est incomparable à celle des parents. Tant l`excellence académique que la bonne conduite seront à l`érigé de la fierté parentale.
 Certes, les parents peuvent léguer aux gamins des valeurs religieuses tout en les expliquant, mais un enfant ne le fera pas nécessairement dans les normes religieuses; il espérera seulement être récompensé, non par Dieu (dans une « autre vie » dont il ne connaît pas une signification aussi symbolique qu`un fervent croyant conscient), mais par son propre parent. Sachez qu`un sourire fier est souvent la seule récompense qui peut satisfaire pleinement un enfant. Les gamins sont les être les plus sensibles aux émotions et aux sentiments des gens et, à mon plus grand désarroi, ceux-ci en prennent peu conscience. 
Pour en revenir à notre sujet initial, vous me diriez que l`on peut appliquer cette théorie, simplement, aux jeunes enfants, et ce dans l`unique limite de leur capacité intellectuel; or, cette relation parent-enfant a souvent tendance à se prolonger au-delà des digues de l`imitation ou d`une fierté-flatteuse.  L`adolescence est enjolivée bien trop sournoisement par tout un tas de spécialistes (l`éclosion d`une fleur, le passage de l`ignorance à la conscience etc.) alors que cet enfant en « mutation » est aussi instable qu`une balance « mécanique ». 
Peu à peu, le comportement arrogant et hargneux vient relever la bonne conduite, puisque l`enfant ne cherche plus à rendre fier ses parents, mais à essayer de l`impressionner tout en tentant de le surpasser. L`adolescent est sans cesse mis à l`épreuve que ce soit par les parents, les professeurs ou tout autre hégémonie. Malgré leurs différentes démarches, dû à un parcours divergent, ils tenteront tous, tant bien que mal, d`ériger des barrières de protections afin  d`anticiper  les « missiles ».  De plus, le problème peut se présenter sous une forme encore plus discrète et, d`une certaine façon, plus honteuse pour l`adolescent; celui-ci tentera d`être digne de son parent tout en essayent de retrouver l`estime de lui-même qu`il aurait pu perdre (ou qu`il voudrait renforcer) en chemin.

« Le désir est manque d'être, il est hanté en son être le plus intime par l'être dont il est désir. » -Sartre


Peinture de Iman Maleki


« Pouvons- nous être plus insouciant et guilleret qu`à l`époque où le dilemme ayant le plus d`ampleur psychologique est celui du choix entre : une crème glacé et une tablette de chocolat ou d`un bracelet à perles rayonnantes et d`une chaîne fantaisie? » Me demandai-je un matin alors que j`observais un enfant contemplant des objets convoités. Toutefois, en y regardant de plus près je vis sur ses traits une réelle souffrance infantile. Le désir happe de plein fouet, sans crier gare en vue de péricliter l`innocence d`une enfance déjà étiolée par une solitude timorée. 

 

 [...]

 Personne ne souhaite s`éjecter volontairement de l`adolescence; l`âge de l`avidité et de l`hédonisme… J`ai recherché la perfection, pensant même l`interpréter de façon aussi délicate qu`innocente néanmoins, j`ai découvert la perversité dans le moindre, le plus dérisoire, des désirs. Force était de m`admettre que le manque, engendré par l`absence de « choses » était ce qui menait l`Homme vers ce mur qu`il a toujours craint, mais qu`il voyait de plus en plus nettement.