mardi 28 novembre 2017

Des circonstances fortuites



Il y a des jours où les événements, qu’on pensait frivoles mais qui, en réalité, pèsent lourdement sur la conscience, hantent venimeusement l’esprit tout en sustentant l’insomnie. Possiblement, parce que je suis obsédée par la compréhension et l’explication de toute chose, j’ai, compulsivement, besoin de définir un sujet avant de le commenter. Mais, lorsque le concept dépasse mon entendement, le circonscrire distinctement devient un tourment accaparé. Alors je m’en dissocie.

Trop tôt un matin, charriant un sac surchargé d’une épaule à une autre, Elle dégringolait la pente d’une rue glacée sans s’émouvoir des pas instables. Le quotidien, une routine impénétrable, se déroule, placidement, sous les regards léthargiques des marionnettes d’une société quelconque. Non, elle n’avait pas le temps, et surtout pas l’énergie, pour une crise existentialiste à sept heure du matin. Restreindre l’activité cognitive afin de contingenter son corps aux actes humains simples, c’est comme perpétrer Le mythe de Sisyphe. Elle ne sait si c’est la réalisation de l'aberration des actes vains qui la mène à contempler, quotidiennement, les camions les plus volumineux et les plus véloces ou seulement la lassitude de l’inertie.  L’arrivée du bus instaure l’angoisse habituelle; être enfermée dans une boite avec les regards d’autrui menace sa mascarade. Elle augmente les décibels d’une musique non assortie, car elle s’accroche à la vaine illusion que moins elle entend et moins les gens ne la distinguent. Un rayon outrageusement lumineux traversait la paroi vitrée et instaura, le début d’une migraine perpétuelle. Une dame blonde sans âge se tourna vers elle, et à son plus grand dam, elle se trouva dans son champ visuel périphérique et elle ne put s’empêcher de croiser son regard. La dame portait un de ces tabliers fluoresçant dont se revêtent les intercepteurs d’écoliers dans les rues avoisinants. Les vibrations du bus la bercent dans un demi-sommeil aussi, elle décida d’ignorer la femme. Elle eut un peu pitié du fait que cette dame devait patronner les progénitures des autres sur des rues glacées mais sans plus. Elle soupira en fermant les yeux. Un tapotement sur l’épaule fut tomber ses écouteurs et ses prunelles s’ouvrirent pour se refléter sur des yeux démesurément bleus. ‘Je peux vous aider?’ répliqua-t-elle sur un temps plus sec qu’elle ne voulait. La femme hocha la tête et ses bouclent blondes entourèrent un visage serein.
Dame : J’ai un message.
Elle : Pardon?
Dame : Je ne sais pas ce que ça veut dire; mais Dieu m’a demandé de vous dire que tout s'agencera éventuellement. Tout ira bien.
Déboussolée, elle fixa la dame qui avait l’air bien trop ‘normale’ pour divaguer, pour ensuite regarder autour d’elle. Elle ne savait si elle cherchait le tuteur d’une femme folle, un appui de quiconque ou une caméra qui se foutait de sa gueule.
Cependant, personne ne lui prêtait attention, ni à elle, ni aux propos de la dame absurde qui la contemplait toujours. Parce que la femme semblait attendre une réponse elle balbutia un « Ok?… Merci? ... » quasi indistinct. Elle s’ébahi elle-même de la remercier alors que cette femme devait, nécessairement, parodier un sketch.  Au moment où elle pensait qu’elle rêvassait une autre rai éblouissante happa leur front ce qui la força à couvrir ses yeux. La femme blonde, sans détourner son regard vitré, murmura: « C’est étincelant n’est-ce pas? … »
Elle ne savait comment s’échapper à la situation et un rire nerveux se détacha de ses lèvres. Quelles étaient les chances? Dans un bus avec un minimum de 30 passagers, cette femme blonde avait décidé d’abattre des propos ‘prophétiques’ sur probablement la seule personne dans ce cageot qui, non seulement, révoqua sa foi, mais qui, également, cohabitait pleinement avec une émanation existentielle. ‘Circonstances fortuites’ pensa-t-elle.  




Ce ne sont pas les événements, mais leurs interprétations qui en font le sens convoité. Il y a un aspect d'idiotie qui se forme lorsque on donne aux circonstances fortuites une signifiance imméritée.   Comment interpréter l’insanité des autres lorsqu'on croit imprégner la réelle instabilité mentale? Et, surtout, de quel droit?
D'un autre côté, il est peut être bénéfique de vivre une perturbation imprévisible de la performance quotidienne; l'aisance est le trépas de la plume.




vendredi 10 novembre 2017

Secret

Parfois il n’y a pas de distinction entre un secret et un mensonge. Leur corrélation marque la superficialité d’une relation. On pense appréhender la subsistance d’un individu en jetant quelques regards sur son introspection, mais, réellement, on y voit que ce qu’on désire. Parce qu’on ne pose pas de question. Pour tenir la façade en place. Ne pas révéler l’impénétrable songe. À quel moment est-ce qu’on devient séquestré par l’irrévélable vérité? Peut-être au moment où une barrière s’érige entre l’honnêteté et la fin. Le monde n’est pas un conte de fée juste un récit de faits. Aucune modification ne pourra être apportée aux événements du passé, seulement la façon dont on y réagit.

On a cette illusion; chacun se persuade que l’Autre est dans l’ombre du secret alors qu’on partage les fondations d'un même mensonge. On balbutie donc sur n’importe quoi sauf les aspects importants de l'existence. Moi, qui déteste la superficialité, me prête souvent au jeu, me conformant, à l’image attendue et renforçant leur masque tout en prêchant une naïveté inexistante. Donner l’opportunité au changement revient toujours au même résultat:   des yeux fuyants ou un regard d'incompréhension. Pour les autres, fierté, despotisme superflu et manipulation sont toujours au menu. En réalité, je veux seulement y discerner ne serait-ce qu'un effort de réflexion.

Mes monologues me font souvent paraître schizophrène, parce que ma réalité ne concorde jamais avec celle des autres et pourtant je suis certaine de mes perspectives. Admettre que je suis épuisée, c’est comme arrêter de synchroniser mes mouvements au rythme des vagues pour me laisser glisser au fond du lac. D’habitude, je veux rester au fond, parce que je suis dans l’impossibilité de me fondre dans la masse. Et des fois, je ne tiens pas à émerger, parce que ça va à l’encontre de mes élucubrations.

Alors j’ai vraiment envie de les laisser aller : mon espoir de transcender la banalité humaine, les attachements probatoires et inconsistants, mes désillusions sur les gens et leur ego proéminant… 

Lasse de les forcer à être ce qu’ils ne sont pas.  Lasse d'espérer ce qui n’existe pas.