lundi 13 avril 2015

L'homme mort-né


Le froissement du tissu fût frémir, telle la contrainte d’une caresse, la pâleur du cou de l’homme au costume ambré. Les mouvements vifs et précis de ses mains, révélaient le vestige d’un geste à maintes fois repris. Il avait pourtant toujours eu du mal à supporter le port de cravates, mais le souvenir de sa mère ne l’en laissait s’en départir. Chaque matin, elle s’agenouillait au pied de son enfance et l’enveloppait du vêtement fraîchement lavé et séché : « Mon garçon, le monde appartient à ceux qui portent leur régate hautement. » Elle ne lui avait légué que les mots auxquels s’accrochent les femmes soumises à leurs dispositions maternels. Frêle, elle portait le sourire dépravé, de son dur labeur. Cette femme n’avait jamais appris à vivre pour elle-même, d’aussi loin qu’il pouvait s’en souvenir, elle offrait chaque fragment de son âme aux hommes qui la conquéraient. Jamais ne l’avait-on vu refuser un service aussi discourtois en son encontre, il pouvait être. Elle supportait ardemment le fardeau de sa bonté, un supplice qui  forgeait son caractère dans la subordination.  Les traits de l’homme se déformèrent hideusement, le souvenir de sa mère, imprégnait en son être, la révulsion que l’on porte aux femmes de joie. Une fois qu’elles se sont offertes, elles n’exhibent alors que la débauche des hommes qui en ont jouie.