dimanche 30 octobre 2016





Chaque matin on croise le reflet dissocié de nos désillusions. Les miroirs ne sont-t-ils pas les armes ultimes d’aliénation ?

C’est étrange comme on peut se regarder à tout moment et pourtant ne jamais se voir réellement. Dans un monde dépourvu de reflets on prendrait certainement plus de temps à analyser l’image que l’on propulse.  À quel point incarne-t-on  ce qu’on est et quelle portion du personnage peut on projeter ?

Prendre cinq heures à perfectionner un masque et pourtant ne jamais croiser son propre regard. Est-ce que tu peux voir ta reproduction dans tes propres  yeux ?
Non, on préfère se chercher dans le regard d’un autre et non le sien. C’est un peu comme regarder une vidéo de soi-même, peu importe comment bien on parait il y a toujours ce petit malaise comme si on essayait de se  dissocier de notre représentation.


Être conscient de soi-même c’est avoir son reflet projeter devant nous constamment.  C’est être prisonnier de son propre regard. C’est comme manipuler les files d’une marionnette ; à force d’essayer de coordonner les mouvements de son pantin afin qu’il intègre son entourage, on finit par être si conscient  de nos geste qu’on finit par limiter ce qu’on est vraiment.

vendredi 7 octobre 2016

Vulnérabilité

La vulnérabilité des gens m’avait toujours affectée de façon malsaine. Parce que c’était, pour moi, l’occasion de me faire accepter en soutenant quiconque l’exhibant. Toutefois, au fur et à mesure que je me retirai de la masse des gens, elle me rebutait puisque elle représentait, dorénavant, l’image dissociée de mes relations interpersonnelles. Aujourd’hui, elle est l’ombre qui n’a le choix que de s’attacher à mon égo. L’impulsion de lui tendre la main ne disparait pas mais la crainte d’en être le reflet est plus importante.

Puisque je cherchais à l’éviter, le sort sournois s’est mis à manigancer avec la destinée en me la balançant continuellement au visage.  Ou, encore, je n’ai pas vraiment fait attention à mon choix de profession.

Quoi qu’il en soit, c’est un personnage rigidement robotique et inconfortable qui a dû cogner à la porte du foyer pour personnes âgées ayant un statut de démence.  J’espérais que la porte ne s’ouvrirait jamais ou que la terre arrête soudainement de tourner. Bien sûr, mes prières ne furent, encore une fois, pas entendues. Une dame trop radieuse vint nous ouvrir l’antre de mes anxiétés.  J’essayais de  raser les murs en me murmurant maintes une fois de ne pas considérer qui ou quoi que ce soit. Si on nous dit de ne pas penser à quelque chose en particulier  on est porté à la visualiser instinctivement. Cela doit être pareil quand on espère éviter une situation car celle-ci accoure alors qu’on n’a même pas finit d’y songer.

Une patiente nous observe depuis un moment et rôde autour de nous comme le loup le fait autour de sa proie. Elle tient quelque chose dans les mains, mais difficile de le distinguer d’ici. J’essaye de fixer mon attention ailleurs car tout ce que mon esprit en alerte parvient à m’envoyer c’est : VA LUI DIRE BONJOUR. C’est ça; pour que je retombe dans ma dépendance émotionnelle en moins de 3 secondes. Quoi que je fasse, mon regard ne peut s’empêcher de rencontrer le sien et elle se décide finalement à attaquer. Je fais mine de trouver fascinante l’affiche sur "les 4 saisons". C’est hélas trop tard car elle a déjà fait son entrée dans notre groupe et me fixe avec un sourire niais. Je n’ai même pas le temps de répondre à sa grimace qu’elle sort l’objet in-identifié de sa poche et nous fait signe de nous rapprocher. Terrifiées, mes collègues me supplient du regard. S’il existait un regard qui pouvait leur dire que mon instabilité psychologique est incomparable à leur panique superficielle je n’aurais même pas eu le temps de réfléchir avant de l’exposer.

Encore une fois, elle ne nous laisse pas le temps de réagir à la situation car elle nous met un objet de forme soupçonneuse sous les yeux et ricane entre-temps. Les autres commencent à afficher des sourires figées alors que j’essaye encore de saisir. Ce n’est que lorsqu’elle réussit à émettre "c’est une queue croche" entre ses gloussements incessant que je comprends enfin. C’était tellement déplacé et inapproprié que je n’ai pas pu me contenir. Je ne sais pas si on le doit à mon immaturité, à la situation  équivoque ou la combinaison des deux mais les éclats de rire collectifs qui s’ensuivirent auraient pu faire trembler la mansion et seront, dans mon cas, mémorables.   


Le plus beau visage était celui de la patiente, car son rire sonnait si innocent que dans d’autres circonstances j’aurais trouvé cela triste. Par contre, à ce moment-là,  j’aurais franchement voulu être à sa place. Son insouciance était palpable et inimitable. 

samedi 23 juillet 2016

Emprise

J’ai lu un livre qui disait que la seule façon qu’un enfant puisse devenir adulte était de se révolter contre ses parents. J’avais deux raisons de nier l’absurdité de ces propos, la première étant que c’était la seule phrase du livre qui avait frôlée mon attention au milieu des piètres mièvreries qui me faisait penser que n’importe qui, vraiment, pouvait publier de nos jours. La seconde raison me renvoyait à tous les éclats que j’avais provoqués pour seul objectif l’obtention mon indépendance qui, au final, ne sera certainement pas mon billet au monde austère.

Pourtant les mots ne veulent pas s’effacer comme si un insouciant s’était amusé à signer un graffiti inculte sur ma mémoire.   Chercher les raisons que l’orgueil ne veut pas comprendre c’est un peu comme se faire piquer par l’aiguille dans la botte de foin. L’ironie fait que le doute, dans toute son opacité, jaillit des tréfonds de l’âme, comme une embuche ostensible. Alors, la question se pose, sans s’émouvoir du tressaillement orgueilleux : est-ce que j’ai vraiment révoqué l’emprise parentale?

Bizarrement, je n’ai jamais eu une bonne relation avec mes parents. Alors que je claquais encore mes sandales en plastique contre mes talons, et par instance, dès que j’ai su la ruse du mensonge, je m’empressais de l’appliquer sur eux sans remords. Et cela n’a jamais cessé jusqu’aujourd’hui d’ailleurs. Mais bon, qui a une relation stable avec ses géniteurs de nos jours hein? Alors pourquoi étrange? Parce qu’ils n’étaient pas nécessairement la raison de mes colères incongrues et pourtant ils se devaient de récolter quelques fracas de mes émois sans comprendre.  Au final, ce n’est que lorsque j’ai réussi à prendre de la distance et du recul, que je développais une réelle exacerbation pour eux seuls.  

Quand bien même, chaque été, pour quelques jours je me retrouve face à eux et c’est si dure de communiquer. Dieu merci, ma mère parle pour 6 personnes et mon père s’enflamme à n’importe quel sujet. Habituellement, je me contente d’esquisser ou de mimer quelques expressions et les heures finissent par s’écouler tant que le protagoniste du sujet, ce n’est pas moi. Toutefois, il arrive, certaines fois, que personne ne dit mot et je sais alors que ce ne sera pas très long avant que je ne devienne le centre du sujet. Parce que lorsqu’un parent n’a plus rien à raconter; il parle de ses enfants. Triste sort. Alors dans mon élan de panique, je lance la première chose légale à laquelle je pense.
-Ah… J’ai vu une vidéo…
Ma mère me regarde comme si elle venait de remarquer ma présence. D’un moment à l’autre je crains qu’elle me demande carrément depuis quand je suis revenue. Elle ne le fait pas alors je sais que je dois poursuivre maintenant que l’attention est sur moi.
-Euh… Dans cette vidéo, j’ai vu des touristes jeter des pièces lors d’un certain tournoi et des enfants en piètre état s’empressaient de les ramasser…
Mon père met sa main sous son menton; je sais alors qu’il me prête vraiment attention et qu’il essaye de voir où je veux en venir, ce qui me rend encore plus rigide. Ma mère qui a tendance à s’impatienter rapidement me jette  un « et alors » du regard.
-Ben ces touristes rigolaient et s’amusaient à jeter l’argent pour pouvoir se moquer des enfants qui les prenaient du sol. Les gens locaux regardaient sans rien faire alors qu’il y avait foule.
Ma mère hoche la tête pour désapprouver et pendant un instant je crois que c’est mon choix de sujet qu’elle blâme mais je l’entends demander :
-Et leurs parents?
Moi : Hein?
Père : Ils étaient où les parents de ces enfants?
Moi : Euh… Je sais pas… J’ai pas vraiment fait attention…
Mère : C’est surement leurs parents qui leur ont appris à mendier comme ça.
Moi : Je pense pas que ce soit le problème…
Mère : Oui, c’est pas de leur faute, c’est leur éducation qui est à reprocher.
Père : Ces pauvres enfants… Tu vois, comment certains vivent et toi tu te plains de partager une chambre!
Moi : Non mais là n’est pas la question… Vous ne voyez pas que c’est les touristes le problème? Et les gens qui font rien? C’est normal vous pensez de reprocher à des enfants, probablement affamés de ramasser de l’argent et d’ignorer que des gens s’amusent à les rabaisser ?
Père : On sait ça, mais les gens malfaisants y’en a partout, c’est pas nouveau. Mais peu importe la situation les parents doivent apprendre les bonnes valeurs à leurs enfants et éviter qu’ils arrivent à cette situation.
Mère : D’ailleurs, si les enfants ramassaient les pièces comme ça, c’est qu’ils ont vu leurs parents faire la même chose.
Père : C’est peut-être même les parents qui ont envoyé leurs enfants.
Moi : Hahaha
Mère : Tu trouves ça drôle? Tu devrais être plus reconnaissante pour ce que tu as. Après tout, tu n’as jamais été obligée de mendier à ce que je sache.
Elle me regarde d’un regard douteux comme si ça pouvait être une possibilité.
Père : Tu vois pourquoi on insiste sur vos études? Pour que vous évitiez ce genre de situation même quand on sera plus là.
Moi : Oui oui vous avez raison. De toute façon, vous avez toujours raison non?
J’ai tout d’un coup envie de remballer ma valise et de déguerpir aussi vite que possible. 
Mère : T’inquiètes pas. Tu vas regretter quand on sera plus là et tu penseras : si seulement je les avais écoutés.
Père : Laisse tomber. Pourquoi tu t’énerves, tu sais qu’elle est la plus têtue et qu’elle n’écoute jamais rien.
Mère : Oui et regarde où elle en est…

Trop fatiguée pour continuer une discussion de sourds et muets je m’empresse de quitter la table en les laissant fabuler sur leur sujet favori.
 …
Parfois, quand je vois mes collègues envoyer des SMS, photos, vidéos à leur famille, je me surprends à les envier. C’est leurs relations que je jalouse. À défaut d’avoir qui que ce soit pour partager quelque chose qu’on trouve d’intéressant, la famille, c’est normalement celle qui devrait le moins juger non? Dans mon cas, oublions le jugement, c’est la troisième guerre mondiale que je déclenche. Le milieu familial dans lequel on est élevé affecte jusqu’à un certain degré notre façon de réagir au monde. C’est en vieillissant que je me suis rendue compte que la bienveillance de mes parents qui, certes, soyons honnêtes, ne voulait que mon bien, avait ancrée en moi la phobie du tout. Ils m’avaient fait croire qu’ils étaient ma seule protection. Suite à des circonstances exponentielles et inextricables, il se trouve, malheureusement, que la seule et unique source de confort et de soutien, à laquelle j’ai eu droit au court de mes 2 premières décennies ne provenait que d’eux. Inconsciemment, je les ai crus. Jusqu’au jour où j’ai compris que je pouvais être seule sans trépasser piteusement comme ce singe que j’avais vu dans un reportage  qui mourrait de mélancolie et de solitude à la suite de la mort de son bébé.

Enfin bref, mon point étant que j’ai grandi dans ce milieu, où il est normal de ne pas voir le point central d’un sujet, ou pire, de l’ignorer pour lui donner, sans raisonnement, un sens superficiel dans le seul but de manipuler son enfant.

 C'est la mise en scène de la Cantatrice Chauve; au final on ne discute qu'avec soi-même.
Dans tous les cas, j’ai eu l’impression de donner un pistolet chargé à un enfant de 2 ans; je voulais qu’il vise une cible précise mais, s’en contrefichant, il le pointe vers la seule chose qui lui est familière. L’expression « Quand le sage désigne la Lune, l'idiot regarde le doigt » ne pouvait mieux décrire une situation déplorablement pathétique. Se révolter contre ses parents? Là n’est plus la question. Se détacher concisément de l’influence et de la manipulation émotive est beaucoup plus prioritaire car elle est la pire des emprises dans n'importe quelle relation.

Alors, parce que je ne me sens pas mieux, je me suis dit que tous ces gens qui n’ont pas réagi à la situation précédente et qui se contentaient de regarder, rire et filmer; ah eux aussi ils ont eu une vie misérable. Parce qu’il faut sacrément être déshérité et pitoyable pour être les touristes qui s’amusent du malheur des autres mais pour les ignorer sans rien articuler c’est être ignominieux. Parce que cette sorte d’incapacité abjecte normalise les actes de la société les plus pernicieux.



samedi 16 janvier 2016

Des choses difficiles à comprendre




J'ai horreur de recevoir les enfants ; ils sont toujours si agités et difficiles à contrôler émotionnellement. Et leur regard qui se fixe sur tout et n’importe quoi…Toujours si perçant et curieux alors j’ai beaucoup de mal à le soutenir.
La porte vole en éclat et envoit valser les quelques feuilles du bureau sur le sol :
-Je t’apporte les sucreries. En général ça les rend plus dociles.
-Le sucre les rend encore plus excités…
Elle hausse les épaules, dépose le bol au coin de la table et ressort avec le même fracas. Si bruyante…Combien de fois je dois lui dire que sa grossièreté risquerait de nous causer des ennuis avec les voisins ?
Un grincement me sort de mes pensées. Une petite tête apparaît dans l’embrasure de la porte et me laisse à peine le temps de composer mon masque professionnel :
-Entre mon cœur, n’aie pas peur.
Mon semblant de sourire a dû fonctionner car elle se précipite dans la salle et s’empresse de grimper sur le fauteuil.
-Ta maman n’est pas avec toi ?
-Oh, elle ne viendra pas.
-Elle ne vient pas… ? Et tu es venue toute seule ?
-Oui, je voulais discuter avec vous !
Elle sourit gaiement et je peux voir qu’il lui manque quelques dents. Un sentiment de malaise s’installe en moi ; d’où sort cette enfant et pourquoi diable ses procréateurs inconscients ne peuvent-ils pas superviser leur propre progéniture? Ils ont dû penser que l’heure de consultation de leur fille était leur repos bien mérité. Avec ce genre de parents il y’a une grande possibilité que cette enfant se fasse kidnapper ou développe un désordre mental. C’est peut-être même déjà en court puisque ils ont jugé bon de l’envoyer ici. Elle interrompt encore une fois mes pensées de sa voix gazouillante:
-Est-ce que les bonbons sont pour moi ? Je peux en avoir un s’il vous plait ?
J’hésite un instant; lui accorder de manger le sucre est aussi désavantageux pour moi que pour ses dents.
-Et les caries alors ? Tu veux avoir des trous dans tes jolies petites dents ?
-C’est pas grave, elles sont en train de tomber de toute façon.
 Ah, ce regard persistent que je déteste chez eux. Je lui tends le bol.
-Bon. De quoi voulais-tu me parler trésor ?
Elle prend le temps de délicatement déballer son bonbon le lèche à quelques reprises et penche sa minuscule tête sur un côté comme pour me démontrer qu’elle y pense.
-Des choses difficiles à comprendre.
Pendant un bref moment, j’ai un brin de sympathie pour cette fillette étrange ; elle ne doit pas avoir beaucoup d’attention. La preuve en est que ses parents ne daignent même pas présenter le bout de leur nez au rendez-vous.
-Je t’écoute mon cœur. Tu peux tout me raconter.
Ses yeux brillent, elle ne peut contenir son rire glorieux et je ne peux m’empêcher de me sentir piégée.
-Merci de me donner cette opportunité. C’est que je n’ai pas beaucoup de gens à qui poser mes questions. Et puis, même quand je le fais personne ne comprend réellement. Par quoi est-ce que je peux commencer ? Ah. Essayons d’aller dans l’ordre des choses. La plus part des gens pensent qu’en remontant à l’enfance ils peuvent mieux se comprendre alors ils viennent vous voir. En réalité, souvent, l’origine est en face de nous, mais c’est tellement simple et superficielle qu’on ne le voit pas. Alors ces idiots consument des heures, des années à épuiser leur énergie sur tout ce qui éloigne de la vérité. Jouer, étudier, travailler, dépenser. En somme, s’adonner à n’importe quel moyen pour se sentir vivant. Oh ? Vous n’avez pas l’air bien. Vous voulez un bonbon ? Ça donne de l’énergie.
Apparemment je n’ai pu contenir mon expression jusqu’au bout. Qu’est-il arrivé à cet enfant ? Maltraitance parental ? Événements tragiques ? Mutations génétiques ? Calme-toi. Calme-toi. Essayons de raisonner clairement, cette enfant présente vraisemblablement des signes du trouble de dépersonnalisation. Il est également possible qu’elle ait développé une dissociation de son identité.
-Hum, trésor, est-ce que quelqu’un t’a fait du mal ? Est-ce que tu aimerais me raconter ce qui s’est passé ?
-C’est ce que j’essaye de faire. Je disais que la source principale des maux psychologiques développés est causée par les parents. Je vois ces pères nourrir leur enfant de leurs propres illusions à la grosse cuillère alors que j’ose à peine me sustenter des gouttes de la rationalisation.
Comme je le pensais, cette enfant a subi un abus parental du père, cela va de soit dans ces circonstances. Je hoche la tête pour l'’encourager à poursuivre. Elle sourit :
-Mais vous savez, le pire je pense que c’est l’instinct maternel. Le nourrisson puise l’essence de la peur à même le sein et ne peut s’en départir jusqu’au dernier souffle. Vous comprenez ? Le lien ombilical ne se rompra jamais.
La mère est probablement impliquée… Elle doit être au courant ou a dû déceler le changement et l’a donc envoyé ici. Tentant de rentrer dans son jeu je ne peux m’empêcher de répliquer :
-Ta maman voulait surement te protéger.
-C’est exactement cela. Les mères ont la pire des emprises sur un enfant parce qu’elles couvent leurs progénitures à en crever ou encore elles abandonnent complétement leur rôle. Elles n’arrivent jamais à se modérer mais vogue d’un extrême à l’autre. Vous devez surement le constater non ? Plus un enfant est craintif, troublé ou (elle me sourit) psychotique, il y a toujours un lien direct ou indirect avec la mère. Le comprendre n’est pas chose difficile mais l’accepter est certainement horriblement humiliant. Pas pour l’enfant non, mais pour le jeune adulte gonflé de préciosités et fier de son indépendance il préférerait mourir plutôt que de l’admettre.
 Même si sa personnalité est dissociée, cette petite fille n’exprime ni haine ni violence. Au contraire elle tient un discours qui lui semble cohérent et n’exprime pas de point de vue personnel. Elle présente objectivement des faits qu’elle croit avoir elle-même observés. Schizophrénie ? Quoi qu’il en soit, c’est une chance de l’avoir trouvé avant qu’elle ne se développe davantage. Elle aurait pu être un véritable danger public. Elle m’observe silencieusement. Inconfortable. Je préfère encore lorsqu’elle parle :
-Qu’est-ce qui arriverait si l’enfant admettait que ses parents sont à l’origine de son malheur ?
-Vous ne m’écoutez pas. Je vous dis qu’il mourra.
-Mais pas tout le monde n’a le courage de mourir par lui-même… Et puis est-ce si horrible que cela ?
-Vous êtes douée lorsqu’il s’agit de vous inquiéter et vos solutions impliquent toujours  la fuite, mais en réalité vous êtes incapables d’analyser quoi que ce soit. Mais c’est normal. C’est dans votre nature. C’est exactement la cause du problème.
-Je ne comprends pas…Quelle nature précisément ? Humaine ? Et en quoi je nuirais ?
-Vous êtes ce que les parents lèguent aux enfants. Vous armez déplorablement l’ignorance. Vous êtes ce qui nourrit la haine et la violence des sociétés.  Vous croyez avoir des capacités humaines parce que vous êtes en mesure de formuler des pensées. En réalité, vous n’existez pas.
-Pardon… ?
-Je n’existe pas non plus. Toute cette scène n’est pas réelle. Nous ne sommes que des idées incarnées: des personnages fictifs. C’est difficile d’accepter que tout ceci se passe dans la tête d’une personne. Vous ne voulez pas plutôt savoir qui vous êtes ?

-Je suis payée pour t'écouter.


-Vous êtes la pâleur  sur les visages qui voient leur mort, le tremblement de la main qui serre la réalité, la goutte sur le front qui porte la vérité et l'affaiblissement des genoux qui ont soulevé l'iniquité sociale. Vous incarnez l'idée la plus farfelue et pourtant vous êtes l'arme autodestructrice humaine la plus active: La peur.


-Ah, j'ai bien peur que la session soit terminée pour aujourd'hui. Nous résumerons la semaine prochaine en présence de tes tuteurs.


-Certes...en attendant, je ne peux être que la pensée immature qui raisonne la peur 1 heure par semaine.

26 juillet 2013



J`aime à penser que comme on peut être son pire oppresseur, on peut d`autant être son propre réconfort. Oui, on nait dans la terreur pour mourir dans la solitude. D`un état à l`autre, on se retrouve face à soi, à ses choix, à ce qu`ils impliquent… Dès lors, on a toujours une responsabilité vis-à-vis de ce que l`on est, de ce que l`on pense être et de ce que l`on devrait être.
 
L`extérieur n`est qu`une forme de secours éphémère qui trop souvent conforte dans l`illusion d`un bien être probatoire. S`attacher à la béquille nous fait croire que l`usage de la jambe n`est plus requis. Ainsi, on se leurre; puisque nous avançons toujours, on oublie la blessure. Ce bonheur abstrait réconforte l`insouciance. Quant à la douleur, toujours présente, elle se retrouve refoulée jusqu`au jour où le support finit par s`user. Son ombre, une promesse malfaisante, guette et traque le moindre sourire. Et quand ce jour arrive,  la souffrance délaissée, se métamorphose orgueilleusement en agonie. Tomber, n`est que l`esquisse d`une éventuelle fin; car le pire se trouve à être dans l`atterrissage inattendu.
Et s`adresse au sol qu`une seule question : comment avancer alors que le fondement même du mouvement naturel a été réprimé?  La plupart d`entre vous, essayerez d`agripper le premier pilier qui croisera votre chemin, et ainsi d`une main à une autre vous aurez l`impression d`avoir parcouru la destinée.

Quant à d`autres, qui brisés et trahis n`éprouveront que mépris et méfiance à l`égard de l`extérieur. De ceux-là, certains n`arriveront jamais à se relever; ou  s`ils le font; se retourneront sur eux même sans réussir à mettre un pied devant l`autre. Les derniers, comprendront que l`usage ne revient que par la volonté de soi-même; et en s`explorant ils redécouvrent ce qu`ils avaient perdus ainsi que ce qu`ils cherchaient farouchement. Du platonisme au nihilisme c`est la devise qui met en marche les rouages de la raison : connais-toi et dès lors tu sauras.


Chacun le sait proprement tout en le craignant; le désespoir, la dépression, la névrose naissent de soi et ce n`est pas à coup de pilules qu`on peut retrouver le sourire de la victoire. Avoir peur de l`admettre parce que cela nous renvoit à la nature solitaire de l`humain est naturel mais cela ne l`efface pas : on est seul à pouvoir se réconforter et trouver son Bonheur.