dimanche 7 octobre 2012

"Qui m`aime me suive!"

Narcisse  
Alors qu`une pile de notes de cours me narguait du coin du bureau et qu`une page vierge de Word s`exposait impudiquement  à mon regard vaseux,  des bruits mi- humains, mi- animaliers réveillèrent  l`âme fruste et moribonde qui m`habite. Horriblement, je fus presque soulagée d`être tarabustée alors que je sombrais dans une autre de mes errances avilissantes.  Les voix se distinguèrent de ce qui me semblait être un fracas de vaisselle, mais ils me paraissaient toujours aussi animaliers qu`humains, et je me dis, à mon plus grand déplaisir, que ça ne pouvait être que le fruit d`une dispute. Non que j`eu espérée une hécatombe ou une apocalypse, mais il aurait sans doute fallu s`en rapprocher pour me détourner de mon éternel amant : l`ennui.   Toutefois, mes oreilles indiscrètes ne purent s`empêcher de capter des bribes de conversation afin de combler la curiosité de mon esprit maladif; ce qui n`eut pour seul résultat que de me décevoir un peu plus. En effet, quoi de plus banal qu`un différend entre « amoureux » dont la cause découle d`un retard d`une vingtaine de minutes.  Je fus quand même irritée; pourquoi les filles doivent toujours ramener des connards impénitents qui leur servent de baguette extatique dans les résidences. Résidences qu`elles partagent avec d`autres locataires qui n`ont, peut-être aucune envie d`être exposées à leur débauche soit dit en passant. Ainsi, pendant que je tentais d`évacuer l`idée d`aller les châtrer tous les deux, la fille s`écria tout à coup d`une voix de hyène (j`avais enfin trouvé la source de la voix animalière) : « Je fais le dîner là, et ce n`est pas pour toi alors dégage! ». Un sourd rugissement moribond sort de ma poitrine et mon rire fait échos aux tic-tac tyranniques de l`horloge. Ce qui eut le don de provoquer un bref silence de l`autre côté. J`aurais aimé voir leur tête. N`appréciant surement pas que l`attention se détourne d`elle ne serait-ce qu`une fraction de seconde; elle jette deux ou trois assiettes contre le mur, alors que le verre vole en éclat dans la cuisine commune (qui aurait cru qu'acheter de la vaisselle en plastique me serait un avantage outre financier), le mec reste planté là ne sachant pas quoi dire ou faire. Il observe la scène comme s`il n`en faisait pas parti ou comme s`il ne savait comment poursuivre l`acte. Mal à l`aise et ne recevant aucune réplique, un autre silence interminable se fait. Il faut alors qu`elle crie hystériquement des mièvreries incompréhensibles pendant ce qui semble être une décennie avant qu`il décide de faire quelque chose, qui, on pourrait croire, au vu de la tournure drastique des choses serait franchement utile. Effectivement, celui-ci se déplace apathiquement vers la sortie et crache d`un ton hargneux : « Nous deux; c`est fini. » Salutaire et concis; si tu ne sais que faire d`une bombe il faut, bien entendu, la balancer au voisin et se barrer.  Mais à mon avis, la situation lui ayant rappelant vaguement son complexe d`œdipe antérieur, il n`a pas dû apprécier le fait d`avoir été privé de dîner, aussi la rupture était tout à fait légitime.
Mise en situation assez pénible, mais cet incident a quand même eu l`effet estompé; il m`a fait réfléchir, une fois de plus, sur les chimères de l`Amour. Non que j`ai raison de fustiger elle ou lui avec le peu d`expérience que j`ai en la matière, cependant, il me semble qu`instinctivement je ne ressens pas leur sentiment d`amour vis-à-vis des actes qu`ils ont posés. Seulement leurs besoins d`être vu ou entendu par quiconque en réalité.  Et c`est, du moins, ce que je peux sans cesse observer chez les couples d`aujourd’hui; le véritable désir des gens, c`est la volonté d`exister aux yeux du partenaire. Bien que cette volonté soit commune aux humains, je ne pense pas que l`Amour réside dans ce genre de nécessité. Toutefois, si l`on devait parler d`existence et d`Amour, il s`exprimerait ainsi, selon moi; la véritable affection nous conduit à exister à travers la personne aimé,on ne penserait donc que pour et par elle, nos actes dépendraient de ses humeurs et de ses besoins, nos émotions et sentiments seraient les dérivés des siens etc. Aimer c`est donc non le besoin d`exister pour l`autre, mais d`être à travers l`autre. Je suis tombée une fois sur une formulation de Montaigne, alors qu`on lui demandait pourquoi il a tant aimé La Boétie, il répond : « parce que c`était lui, parce que c`était moi. »