C`était la foire
commerciale. L`un des événements qui rend fébrile les marchands qui présentent
des étalages ornées de diverses sources de convoitise et heureux les clients effarés
devant tant de fantaisies à modestes prix. Les magasins qui semblaient déjà déborder
d`une gargantuesque marchandise
variante, vomissaient sur les rues la camelote bon marché qui attirait les
humains, tout genre confondu, aussi bien que l`odeur alléchante des excréments charme
les mouches. Ah, c`est que nous avions bien surpassé Au Bonheur des dames! Si Zola frémissait au vu des désirs
futiles de ces dames qui se laissaient tenter par les couleurs de la soie, du coton ou encore de
la fourrure, alors il doit se retourner dans sa tombe à s`en casser les côtes face
aux besoins des consommateurs compulsif du XXIème siècle.
L`été se fait abhorrer non plus à cause de la chaleur étouffante, mais plutôt parce que la dépravation est aussi transparente que les t-shirts taille xS. Tous les tons "couleur peau" se mêlent alors que les corps se meuvent au rythme saccadé des éclats saisonniers. Les jambes blanches, les bras caramélisés, les mollet mielleux, les ventres bruns et les cuisses de pêche feraient blanchir Tolstoï d`effroi.
Il devient dur de blâmer ces messieurs qui en perdent la tête… Ils ne savent plus où s`attarder; sur les collections de jeux vidéos et de casquettes ou plutôt sur les nouvelles catins sans pudeur de la saison estivale?
Je commençais sérieusement à me lasser de ces activités pittoresques et à ressentir le besoin pressant de me retirer de cette foule hormonale entrant en mitose.
Et en un instant, aspirée par la vague humaine, je fus de nouveau propulsée dans le courant fatal de la vie.
Ce fût bref, mais un samedi de juin, à Montréal, Boulevard Saint-Laurent; j`ai rencontré la liberté.
C`est donc sous un
soleil de plomb que je me laissais entraîner par la marée humaine sur le
Boulevard des velléités. Alors que je tentais, en vain, d`ignorer l`odeur âcre
de la sueur que dégageaient les gens m`entourant, une bourrasque draconienne vint soulever des mèches rebelles. Je tirais sur mon
chemisier et remontais les manches de ma veste
tout en sentant un sentiment de claustrophobie me gagner. L`une d`elles surprit
mon agacement, me jeta un regard mi- dégouté, mi- exaspéré :
-Enlève là.
Lorgnant, probablement, le vêtement qui, en me couvrant, exprimait une décence acharnée; elle exprima dans son geste d`américaine tout le désespoir d`une jouvencelle putride. Je me tournais vers elle, apathiquement, et me mis à observer ses épaules
nues pendant qu`elle me frayait un passage dans la foule; si la gente féminine
lui lançait des regards méprisants, les hommes s`empressaient de lui céder la
rue non sans baver sur son passage.L`été se fait abhorrer non plus à cause de la chaleur étouffante, mais plutôt parce que la dépravation est aussi transparente que les t-shirts taille xS. Tous les tons "couleur peau" se mêlent alors que les corps se meuvent au rythme saccadé des éclats saisonniers. Les jambes blanches, les bras caramélisés, les mollet mielleux, les ventres bruns et les cuisses de pêche feraient blanchir Tolstoï d`effroi.
Il devient dur de blâmer ces messieurs qui en perdent la tête… Ils ne savent plus où s`attarder; sur les collections de jeux vidéos et de casquettes ou plutôt sur les nouvelles catins sans pudeur de la saison estivale?
Je commençais sérieusement à me lasser de ces activités pittoresques et à ressentir le besoin pressant de me retirer de cette foule hormonale entrant en mitose.
C`est en arrivant à la
fin de cette foire commerciale, un peu avant la rue Mont-Royal que je l`ai
aperçu. Je n`ai eu aucune curiosité à son égard; dès mon premier regard, je sus.
On aurait dit que mon corps s`était ankylosé; qu`aucun de mes membres ne semblaient
éprouver le besoin de bouger. Il était pied nu; par ce simple détail, je
compris qu`il avait laissé l`humanité conditionnée et pervertie derrière lui.
Installé sur un tabouret de bois usé, il tenait une énorme contrebasse tendis son
corps en épousait parfaitement les courbes. Son instrument et lui ne faisaient
plus qu`un. Ses paupières sans âge étaient clos, mais la musique qui
s`échappait des cordes, que ses mains de virtuose maniaient aussi délicatement
qu`un nouveau-né, nous disait qu`il voyait ce triste monde; ces rêves
auxquelles on s`accroche, ces désirs refoulés, ces frustrations et cette colère
qui nous fait pâlir d`angoisse, cette solitude mélancolique et permanente… La
bourrasque n`était plus fiévreuse, elle était un magma effervescent et pourtant d`une fraîcheur sans pareil; ses
cheveux dénoués flottaient tels des plumes encadrant un visage serein et apaisé. Alors que tous passaient sans le remarquer, il les observait sans les voir, comme Socrate avait dû regarder la cité. Il jouait,
il jouait… librement pour tous nos maux inextinguibles. Les notes qui me parlaient mais dont je ne
reconnus même pas la mélodie, me
portaient ailleurs, alors que tout son être gracieux me rattachait corps et âme
à lui; à la réalité.
Rien. Absolument rien
en cet instant précis, ne pouvait, pour moi, représenter aussi bien cette
chère liberté tant cherchée, que cet homme, sa contrebasse, son tabouret et ses pieds nus. Et en un instant, aspirée par la vague humaine, je fus de nouveau propulsée dans le courant fatal de la vie.
Ce fût bref, mais un samedi de juin, à Montréal, Boulevard Saint-Laurent; j`ai rencontré la liberté.
...
Je songe alors à ce que Nietzsche disait un jour : les hommes ont peur de la vérité parce qu`ils savent qu`elle est superficielle. Tout comme il refusait l`idée de vérité; l`inclinaison à croire qu`une liberté inconditionnelle n`a de plaisant que dans son idée d`existence, croît en sa logicité.
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