Le tambourinement de la pluie sur la
fenêtre ramène mon âme des tréfonds d'un passé séditieux à une réalité frauduleuse. Mon
corps ankylosé de sommeil veut désespérément suivre cette âme moribonde aussi,
il se laisse trainer lourdement vers la fenêtre. J`envie l`asphalte, les
bancs, les arbres sur qui les gouttelettes s`amusent à qui arrivera la
première. Je ne peux plus contenir cette lubie tenace et douloureuse,
aussi je me précipite dehors et me jette dans les bras de mon
enfance. Je peux les sentir; les souvenirs de l`odeur de la terre
mouillée, le bruit des martèlements fiévreux d`une eau rafraichissante. Je cours,
je saute, je ris. Encore et encore. Je ne veux plus que
cela s`arrête. J`aperçois mes parents et mes voisins blêmes à leurs
fenêtres qui chuchotent, qui cache leur visages hideux entre les rideaux de
leur vie. Je rejette leur monde d`adulte d`un coup de cheveux trempés
dans la naïveté du vent. Je veux
alors courir plus vite, sauter plus haut et rire plus fort pour que la pluie ne
s`arrête jamais.
Des bruits fruitifs sur la porte. Un
grincement. Des pas. Des éclats de voix. Des sanglots. Mon regard s`embrouille.
Ah ce n`était pas mes yeux. Ses larmes embrassent indélicatement les mots tout
juste nés sur la pâleur d`une page. Je regarde le mariage de mon encre et de
ses larmes se déformer sous l`abomination de l’ivrognerie de son crie: "Va la
chercher... Je t`en prie."
Le
silence de la maisonnée m`accompagne jusqu`à la porte. Les yeux fermés, ma main
tourne la poignée. J`ouvre les yeux sur un monde fade; le bruissement du temps
avilit la civilisation latente. Les nuages vomissent sur cette ville leur fiel
lui rendant les couleurs mornes de sa réalité. La pluie était glaciale. Je
la vois et l`entends. Elle est trempée et pied nus. Ses pieds
ont été noircis et écorchés par la saleté et la morosité des rues. Ses
vêtements épousent les courbes de son corps frêle. Sa voie usée par les
cris se porte dans l`air monotone du vent comme des fouets impétueux. Alors
sans hésiter je marche fermement vers elle et lui tends la main.
"Viens." Elle me regarde ébahie sans comprendre. "Tu
n`aimes pas la pluie?".
"Non
ce n`est pas ça. C`est juste que... Je ne veux plus rêver."
Elle prend ma main avec un rire éblouissant.
Alors qu`elle vivait sous la pluie flegmatique, sa peau
chaleureuse enveloppa la main froide arborant la mort d’une existence flétrie
par des désillusions austères.
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