lundi 21 août 2017

Un jour de pluie

Le tambourinement de la pluie sur la fenêtre ramène mon âme des tréfonds d'un passé séditieux à une réalité frauduleuse. Mon corps ankylosé de sommeil veut désespérément suivre cette âme moribonde aussi, il se laisse trainer lourdement vers la fenêtre. J`envie l`asphalte, les bancs, les arbres sur qui les gouttelettes s`amusent à qui arrivera la première. Je ne peux plus contenir cette lubie tenace et douloureuse, aussi je me précipite dehors et me jette dans les bras de mon enfance. Je peux les sentir; les souvenirs de l`odeur de la terre mouillée, le bruit des martèlements fiévreux d`une eau rafraichissante. Je cours, je saute, je ris. Encore et encore. Je ne veux plus que cela s`arrête. J`aperçois mes parents et mes voisins blêmes à leurs fenêtres qui chuchotent, qui cache leur visages hideux entre les rideaux de leur vie. Je rejette leur monde d`adulte d`un coup de cheveux trempés dans la naïveté du vent.  Je veux alors courir plus vite, sauter plus haut et rire plus fort pour que la pluie ne s`arrête jamais.
Des bruits fruitifs sur la porte. Un grincement. Des pas. Des éclats de voix. Des sanglots. Mon regard s`embrouille. Ah ce n`était pas mes yeux. Ses larmes embrassent indélicatement les mots tout juste nés sur la pâleur d`une page. Je regarde le mariage de mon encre et de ses larmes se déformer sous l`abomination de l’ivrognerie de son crie: "Va la chercher... Je t`en prie."
Le silence de la maisonnée m`accompagne jusqu`à la porte. Les yeux fermés, ma main tourne la poignée. J`ouvre les yeux sur un monde fade; le bruissement du temps avilit la civilisation latente. Les nuages vomissent sur cette ville leur fiel lui rendant les couleurs mornes de sa réalité. La pluie était glaciale. Je la vois et l`entends. Elle est trempée et pied nus. Ses pieds ont été noircis et écorchés par la saleté et la morosité des rues. Ses vêtements épousent les courbes de son corps frêle. Sa voie usée par les cris se porte dans l`air monotone du vent comme des fouets impétueux. Alors sans hésiter je marche fermement vers elle et lui tends la main. "Viens." Elle me regarde ébahie sans comprendre. "Tu n`aimes pas la pluie?".
"Non ce n`est pas ça. C`est juste que... Je ne veux plus rêver."
Elle prend ma main avec un rire éblouissant. Alors qu`elle vivait sous la pluie flegmatique, sa peau chaleureuse enveloppa la main froide arborant la mort d’une existence flétrie par des désillusions austères.

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