Picasso's painting Guernica (Source de la photo)
L’isolement peut être l’achèvement d’une liberté
insolite.
Le minimum de contact humain renforce une ‘auto-obsession’
prodigieuse et cela anéantie, généralement, l’intérêt pour les autres.
Toutefois, il arrive qu’on veuille percevoir la façon dont le monde tourne sans
nous. Loin de me douter des effets répréhensibles, j’ai décidé de prendre une
marche en dehors de mon hécatombe personnelle, en ce nuageux dimanche. Les
individus hasardeux passent sans que ni eux ni moi n’en soient vraiment
conscients. Les humains sont probablement les seuls animaux de la même espèce
qui s’ignorent alors qu’ils sont à promiscuité réduite. Ce qui me fait penser
que la vraie séquestration, c’est de ne pas se voir dans le regard d’autrui
dans une salle bondée.
Mon errance sans but commençait à m’ennuyer, quand tout à coup, j’aperçu, ou plutôt
entendu, un braillement si fort que mes oreilles bourdonnèrent. Ma face, qui
était parallèle au ciment durant tout ce temps, se leva si brusquement qu’une
douleur sourde s’estompa le long de ma colonne vertébrale. Décidément, mon
esprit excité par une quelconque péripétie ne s’accordait vraiment pas avec mon
corps apathique, qui prit une éternité à repérer la source du son. Les pleurs
provenaient d’une dame très âgée qui se précipitait, je ne sais où, en s’appuyant
sur une marchette. Maintenant que j’y pense, la mise en scène était plutôt
comique. Cependant, au moment de l’action, j’étais trop ébahie pour voir la
comédie de la scène et je commençais déjà à réviser dans ma tête ce que je
devais dire en bonne citoyenne : "Are
you okay? Can I help you? Do
you want me to call someone?". Pendant que les mots tournaient dans mon esprit, je ne pouvais m’empêcher
de la fixer… Plus elle braillait et plus un visage d’enfant se dessinait sur sa
figure : rouge, grimaçant et surtout innocent. Je me surpris à me demander :
est-ce qu’un adulte a encore la possibilité de pleurer à cœur ouvert comme un
enfant ? Ma bienveillance forgée s’estompa aussitôt et je la laissai me passer
sans prononcer un seul mot. Je l’enviais. Peu importe son histoire ou sa
raison, je jalousais sa disposition à extérioriser sa peine aussi aisément. L’auto-fixation
resurgit malgré tout. Elle disparut de mon champ de vision, emportant avec elle
la gloire de l’éveil d’un monstre dormant. Je constatai, en regardant autour,
que personne n’avait prêté attention à la scène ou alors ils l’avaient déjà
oublié, puisque tous les globes oculaires étaient fixés sur des écrans.
Quelques minutes après l’incident, je décidai de jouer n’importe quelle
musique à fond pour étouffer mes élucubrations. Quand tout à coup, un jeune homme à l’allure glauque se posta en
face de moi et me regarda droit dans les yeux. Je vis ses lèvres bouger. Le
temps que j’enlève mes écouteurs, il avait déjà tourné les talons et déguerpi.
What.The.Fuck.
Encore, je scrutai autour de moi, mais apparemment les individus de nos
jours n’ont plus de réactions humaines.
Est-ce que le dimanche est le jour où les dégénérés s’assemblent ? Pourquoi on ne m’a pas prévenu ? Ma
contribution aurait pu être grandiose. Ou alors, c’est que je perds le sens de
la réalité faisant donc face à des hallucinations. Difficile à confirmer. Je ne
saurai vous dire si c’est le monde ou moi qui est Fucked up, mais en ce dimanche j’ai questionné l’effet de mon ostracisme.
Entre une vieille braillant, un homme aux paroles sourdes et une femme avec un esprit biscornu la seule différence c’est le discernement entre le protagoniste et les figurants d’une histoire qui aurait pu être spectaculaire.
Entre une vieille braillant, un homme aux paroles sourdes et une femme avec un esprit biscornu la seule différence c’est le discernement entre le protagoniste et les figurants d’une histoire qui aurait pu être spectaculaire.